Exposition "The Space of Words"
Mudam Luxembourg
Du 19 février au 25 mai 2009
Artistes: Manon de Boer, Marcel Broodthaers, Aurélien Froment, Ryan Gander, Raymond Hains, Harald Klingelhöller, Dominique Petitgand, Edward Ruscha, Frances Stark, Josef Strau, Tris Vonna-Michell. Curateur: Christophe Gallois
«Pour moi, les mots ont une température. Quand ils atteignent un certain degré et deviennent brûlants, je me sens attiré par eux… Parfois, je fais le rêve que si un mot devient trop chaud, il va s’évaporer, et je ne vais plus pouvoir le lire ou y penser. La plupart du temps, j’attrape les mots avant qu’ils ne deviennent trop chauds.» Le point d’évanescence des mots que décrit Edward Ruscha dans cette citation peut illustrer le type de rapports qu’entretiennent certains artistes contemporains au langage : la mise en œuvre de glissements entre langage et image, entre langage et espace mettant en valeur non pas des rapports d’équivalence mais des dynamiques d’hétérogénéité, résultant parfois en leur effacement mutuel. L’exposition The Space of Words explore cette zone d’hétérogénéité entre mots et espace et s’articule autour de deux directions: la mise en espace du langage et l’évanescence du sens.
Une des sources d’inspiration de ce projet est une conférence donnée en 2004 par le philosophe français Jacques Rancière, dont nous empruntons le titre pour cette exposition. Dans L’Espace des mots, Rancière prend comme point de départ l’appropriation par Marcel Broodthaers du livre de Mallarmé Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard, remplaçant les mots disposés sur l’espace de la page par des bandes noires qui en annulent le sens, pour penser la surface d’échange entre langage et espace comme un «espace de confrontation», basé sur «une pratique du mot et de l’image qui souligne leur écart.» Centrée sur la pratique de onze artistes de différentes générations, The Space of Words s’intéresse à une série de gestes activant différents types d’écarts entre langage et espace, parmi lesquels l’effacement, l’altération, la perte de mémoire, l’éclatement du sens ou encore la transposition de l’espace de la page à celui de l’exposition. Un dénominateur commun à ces gestes est le rôle central donné à la notion de lecture et aux processus d’interprétation, d’appropriation et de montage que celle-ci implique. La disparition du sens, les silences et les manques qui caractérisent plusieurs œuvres dans l’exposition fonctionnent alors, pour reprendre les mots de Ruscha au sujet d’une série de toiles comportant des mots effacés, comme autant d’«espaces pour la pensée.»
L’exposition sera accompagnée par un publication rassemblant des textes théoriques, dont un texte du philosophe Jean-Philippe Antoine intitulé Le Spectacle des mots, une série d’interviews et des projets d’artistes. Sortie prévue en mai 2009.
Un coup de dés jamais n'abolira le hasard,
Marcel Broodthaers d'après Stéphane Mallarmé, 1969.